Un taxi pour Tobrouk

Il y a quinze jours, Gérard et moi étions amenés à faire des photos au-dessus de la Baume Saint-Michel à Mazaugues. Nous passions par les zones tapissées de poussière de bauxite près du pont rouge. Je me suis alors rappelé des traversées de ce petit plateau que nous faisions en rentrant de chantiers de fouilles dans les années quatre-vingt-dix : interventions à la Baume Saint-Michel, à la grotte Jean Bard, à l’abri de la Chevalière. A cette époque, l’ASER avait acheté une Fiat Polski : une sorte de tank rouge à quatre roues, capable de supporter les charges les plus lourdes et de grimper les sentiers les plus raides et les plus caillouteux. Tous les fouilleurs espéraient ce retour de fouilles, bien serrés dans la voiture surchauffée, applaudissant le passage des endroits difficiles. La traversée du plateau surtout avait son charme : des zigs et des zags dans la poussière bauxitique, un grand panache de fumée rouge derrière la voiture, des discussions pour le franchissement de certains obstacles. Nous appelions ça « faire un taxi pour Tobrouk ». Lorsque nous n’avons plus eu la fameuse voiture rouge, l’expédition sur le même plateau a perdu en intensité. Les fidèles des chantiers de l’ASER ont alors joué les vétérans, ceux qui avaient « traversé les champs de bauxite avec la Fiat Polski et qui avaient côtoyé mille dangers ».

Philippe Hameau