A la fin des années ‘90, l’ASER organise de très fructueuses rencontres Archéos-Spéléos. Je pense que ces échanges furent très instructifs avec un plaisir réciproque. Ce fut pour nous, spéléologues, l’occasion de rencontrer trois personnages exceptionnels. A travers ces lignes, je voudrais leur rendre hommage.
A l’occasion de ces journées d’échanges les présentations se succèdent alternant un membre de l’ASER puis un spéléo’.
Le premier qui apparut fut Jean Nicod. Je ne l’avais jamais rencontré mais je le connaissais comme le loup blanc, pour employer une expression consacrée, pour avoir lu dans Karstologia et ailleurs, ses publications passionnantes. Je bus, avec délectation, ses paroles sur les reliefs karstiques de Siou-Blanc, notamment dans la région de la Limate, secteur sur lequel j’espérais faire de nouvelles découvertes. Son intervention a coupé court à mes espoirs de découvertes quand il nous a expliqué que les magnifiques dolines qui y trônent n’avaient aucun rapport avec les circulations d’eaux actuelles. Elles seraient le reliquat d’anciens reliefs. Je « badais » le personnage par sa pédagogie (comme on dit dans le sud pour exprimer l’admiration). Je le retrouvais, quelques années plus tard, chez lui, devant la caméra, pour discuter à bâtons rompus du karst mais aussi des épisodes volcaniques régionaux. Je caressais l’espoir de le faire figurer dans un futur film sur la Reppe. Son intervention, si elle fut très pertinente, ne m’avait pas convaincu cinématographiquement parlant… Ce fut un très beau moment d’échange avec ce grand Monsieur de la Karstologie.
Pour revenir à la fameuse réunion de l’ASER, le même jour que la rencontre avec Jean Nicod, un autre personnage intervient : Jean-Joseph Blanc. Il nous perd en nous parlant d’un concept qui nous est inconnu : les spéléothèmes. Il emploi plein de mots qui nous paraissent ésotériques. Puis, à la fin de sa prestation, il nous passe des diapositives en nous présentant quelques beaux spécimens de stalactites, de stalagmites et de belles coulées de calcite. Alors, son intervention, qui jusque-là nous avait paru psychédélique, prenait tout son sens. C’est àpostériori que nous comprenions la teneur et la pertinence de son discours. Dans les années qui suivirent, nous avons échangé avec lui. Il s’était affranchi de la fracture numérique en communiquant par courriel. C’était un plaisir de lui poser quelques questions géologiques auxquelles il répondait toujours avec plaisir (en nous perdant de temps en temps …). Les échanges étaient riches car il nous apprenait, à chaque fois, de nouvelles notions.
Quand nous avons rédigé l’ouvrage sur le Las, j’ai naturellement fait appel à lui pour qu’il nous trace une coupe géologique inédite entre le massif de Siou-Blanc et la rade de Toulon. Son œuvre est ainsi fixée par l’éternité dans notre publication. C’est aussi, avec une grande émotion, que nous consultons régulièrement les cartes géologiques multicolores du B.R.G.M. sur lesquelles trône son nom en tant que rédacteur. Elles constituent, pour nous spéléologues, les orientations de nos futures recherches et prospections à la découverte de nouveaux karsts. Merci Monsieur J.J. Blanc pour votre travail qui éclaire, tous les jours, notre chemin et nos explorations.
Dans ces rencontres de l’ASER., nous y avons connu un troisième personnage. Il n’avait pas fait d’intervention mais il nous avait alpagué au moment de l’apéritif pour nous parler de ses explorations et découvertes personnelles. Ce Monsieur s’appelait Charles Bachas.
Il nous livre, tout d’abord, quelques sites inconnus du monde spéléologique. Nous sommes assez dubitatifs, au départ. Quand nous partons sur ses pas, en fonction de ses indications, nous comprenons qu’il nous disait vrai… Nous commençons par explorer un site à Toulon : la source de Saint-Philip (captage historique de la Ville avec la source Saint-Antoine). Sur ses indications un plongeur spéléo réalise la première de quelques mètres de galeries inconnues. Quand, au mois de juin 2021, nous sommes saisis officiellement par les autorités pour rechercher le cours actif de cette source, c’est avec beaucoup d’émotion que nous marchons, à nouveau, sur les pas de Charles…
Merci à l’ASER., de nous avoir permis de rencontrer ces personnages qui ont tracé les chemins de la connaissance sur lesquels nous posons modestement nos pas aujourd’hui.
Philippe Maurel