25 octobre 2025

DOSSIER « CASTELLAS DE FORCALQUEIRET » (Philippe HAMEAU)

Un récit plus circonstancié des travaux de l’ASER au Castellas de Forcalqueiret est à lire dans les bulletins de liaison n°20 à 50. Tous les acteurs qui de près ou de loin nous ont aidés y sont nommés. Le présent texte ne constitue qu’un résumé de ces années d’activités castellassiennes.

Le site dit le Castellas, à Forcalqueiret, comprenant le château et le village ancien, a été abandonné, très progressivement, entre XVIIe et XVIIIe siècle. Après une longue période d’abandon et de destruction, les lieux ont fait l’objet de travaux de débroussaillement, de fouilles et de restauration de la fin des années 1970 au début des années 2000.

  • L’Association des Amis du Château de Forcalqueiret
1. L’entrée du château après intervention des Amis du Château de Forcalqueiret

L’Association dite Les Amis du Château de Forcalqueiret a été créée en 1979 par Maurice Boucheron. Elle a opéré sur le site jusqu’en 1984. Les grands arbres de la cour ont été coupés, l’arche de la porte d’entrée a été révélée, la salle nord a été en grande partie déblayée, etc. C’était un travail ingrat puisque les membres de l’association n’avaient accès qu’aux niveaux très postérieurs à l’abandon. Ils ont pourtant réalisé le premier nettoyage -partiel- du site. Des centaines de photos ont été prises qui constituent un premier état des lieux : une documentation incontournable. A cette époque, on ne connaissait du château que l’article rédigé par Pierre Grimaud en 1975 assorti d’un plan. Le hasard, sans doute aidé par l’usage d’un détecteur de métaux, a permis aux Amis du Château de découvrir une couleuvrine, à l’entrée de la cour, près de la carnerie. Ce petit canon est exposé devant l’actuelle mairie. Hélas, faute d’un projet ambitieux, l’association n’a pas survécu à la disparition de son président. Pour l’anecdote, signalons que l’actuel blason au four à chaux -moderne- de Forcalqueiret a été réalisé par Maurice Boucheron.

  • La fouille du village
2. Mobilier métallique (boucles de ceintures) trouvé dans le village

En 1981, Eric G. Carlson de l’Université de New York obtenait du Service des Antiquités l’autorisation de réaliser des sondages dans le village lui-même. C’était inespéré car les fouilles magistrales du castrum de Rougiers rendaient alors caduques d’autres programmes archéologiques identiques. Un beau mobilier céramique et métallique a vu le jour qui a montré un début d’occupation des lieux au XIIIe siècle. Eric Carlson a également travaillé au niveau de la chapelle Saint-Martin et du cimetière qui la jouxte : un site qui a été saccagé lors de la construction du château d’eau au début des années 1970. L’opération archéologique a permis de disposer de quelques éléments de stratigraphie et de relevés architecturaux. Les équipes de fouilles d’Eric Carlson et de l’ASER (à cette époque nous travaillions sur le Massif d’Agnis) se sont souvent rencontrées. Nos collègues américains campaient près du pont de l’Issole. Le mobilier mis au jour en 1981 a été déposé à la Maison de l’Archéologie.

  • Mise en place des travaux de l’ASER

L’ASER a créé une « section Castellas » en 1987, à la demande de la municipalité de Forcalqueiret : une section parce qu’il fallait mettre en place un projet et un budget spécifique. La Mairie pensait à un déblaiement et à une restauration des salles castrales. L’Architecte des Bâtiments de France exigeait une fouille avant de procéder à une quelconque restauration. Au Conseil d’Administration de l’ASER, ‘Ada Acovitsioti-Hameau a pris la direction de ce qu’on a appelé le déblaiement surveillé, et Henri Vigarié a décidé de s’occuper des chantiers de restauration, ce qui signifiait pour chacun la recherche de subventionnements spécifiques. Auparavant, il a fallu déblayer les lieux encombrés de milliers de pierres. La Protection Civile de Brignoles et Péchiney nous ont particulièrement aidés en mettant à notre disposition hommes et matériel dont un long convoyeur électrique. Ce sont ensuite quinze chantiers de fouilles et/ou de restauration qui se sont succédé.

  • Un déblaiement surveillé
3. Quelques exemplaires des cruches et pichets trouvés dans la citerne

La fouille a porté sur la cour et les salles périphériques à celle-ci. La dernière année a été réalisé un nettoyage de la rue allant de la porte du village à celle du château. Les travaux ont mis au jour l’ensemble du caladage de la cour, qui jusqu’ici restait invisible, la zone d’accès à la porte du château et le système de collecte des eaux, depuis la terrasse jusqu’au fossé, en dehors de la carnerie, en passant par les latrines du logis. Des aménagements en bois (coursives et passages) ont été décelés par la stratigraphie. La citerne a été entièrement vidée : les fouilleurs se rappellent du dernier jour de fouille où ils ne pouvaient pas sortir de la pièce d’eau tant que l’ensemble du matériel n’avait pas été évacué (!). La salle attenante à cette citerne a été sondée jusqu’au sol naturel, révélant un mobilier remontant à la construction de la bâtisse. De nombreux collègues ont participé à l’analyse des vestiges mis au jour pour exprimer la vie quotidienne au château entre les XIIIe et XVIIe siècle. Pour la partie archéologique, les fouilleurs et fouilleuses étaient ceux qui d’année en année suivaient les autres grands chantiers de l’ASER (Couloir des Eissartènes au Val, grotte Mounoï à Signes, Pin de Simon à Gémenos, etc.)

  • Les travaux de restauration
4. Embrasure de porte refaite lors des chantiers de restauration

Des brèches sur plusieurs mètres de haut, des murs effondrés, le bassin extérieur à la citerne, des arcs, des conduits de cheminées, plusieurs embrasures, etc., ont fait l’objet de remontages ou de restauration. Trois tailleurs de pierre ont été présents (David Campbell, Stéphane De Asis et Bernard Launé) et ont dirigé ces reconstructions. Les jeunes participants à ces chantiers, venus des quatre coins de l’Europe, vivaient dans des tentes, sur le site. Nombreux sont ceux qui sont revenus plusieurs fois de suite. Sur place, Henri Vigarié était assisté en permanence par Vincent Boulain. L’Architecte des Bâtiments de France venait en fin de chantier pour un bilan de l’intervention et décider des futurs travaux. Le représentant régional de l’association REMPART envisageait avec Henri Vigarié et Philippe Hameau quels organismes pourraient soutenir le prochain chantier et la façon de présenter les délicats dossiers de demande de subventionnement. En 1992, l’ASER a remporté le premier prix régional pour la restauration du château. Avec la somme reçue, il a été décidé de commander une maquette du site à un étudiant de l’université de Nice travaillant pour les musées. Le 13 novembre 1996, avant de partir de notre région, Henri Vigarié a reçu la médaille de la ville de Forcalqueiret pour son travail au château de Forcalqueiret.

  • Epilogue

En août 2001, l’ASER organisait son dernier et court chantier de restauration au château de Forcalqueiret, sans Henri Vigarié mais toujours avec l’assistance de Stéphane De Asis. Un projet d’ouverture du site au public, dans un horizon de trois à quatre ans, avait été soumis par l’ASER aux bâtiments de France, et accepté à la condition qu’un gardiennage soit envisagé. Quelques mois plus tard, Philippe Hameau était invité à passer en mairie où Benjamin Philip, maire de Forcalqueiret, demandait à l’ASER d’arrêter tout chantier au Castellas. Impossible de poursuivre si le propriétaire d’un site ne donne pas son aval, bien sûr.

En février 2001, une salle en mairie fut entièrement organisée en lieu d’exposition retraçant les chantiers de fouille et de restauration au château. Le lendemain de son inauguration, cette salle dite Espace Castellas était fermée. Raison invoquée : pas de surveillance possible, trop d’électricité consommée. Il a fallu attendre 2022 pour que la municipalité Bringand envisage de déplacer l’exposition dans la salle Respelido pour qu’elle soit de nouveau visitable.

Illustrations

1. L’entrée du château après intervention des Amis du Château de Forcalqueiret
2. Mobilier métallique (boucles de ceintures) trouvé dans le village
3. Quelques exemplaires des cruches et pichets trouvés dans la citerne
4. Embrasure de porte refaite lors des chantiers de restauration